PORTRAIT N°6 : Sébastien Hamon

 #monprojetpourlafilierebois

Ces dernières semaines, je suis partie à la rencontre d’hommes et de femmes engagés et investis professionnellement au sein du secteur forêt-bois, dans des projets tous différents tant sur le format, le statut juridique que leurs objectifs… mais partageant aussi une même ambition : celle d’apporter des solutions concrètes à une problématique identifiée de la filière. Les prochains articles de ce blog seront donc consacrés à ces échanges. Partons ensemble à la découverte de ces nombreuses initiatives et des personnes qui les portent. Nous découvrirons par quelles étapes ils et elles sont passés, leurs difficultés, leur succès, leurs conseils, etc…

Sébastien Hamon – WAYS

SEBASTIEN HAMON

Après un parcours en finance d’entreprise, et plus de 20 ans à avoir travaillé dans différents secteurs industriels en France et à l’étranger, Sébastien Hamon travaille depuis 2 ans au développement de Ways et de son innovation : le séchage du bois par CO2

logo ways

Pouvez-vous me présenter votre entreprise, sa raison d’être, et en quoi elle apporte une réponse concrète à une des problématiques de la filière forêt-bois ?

L’innovation de WAYS consiste à utiliser du CO2 plutôt que de l’air pour sécher du bois.

Comme le CO2 est plus caloporteur, le séchage est plus efficace et plus rapide. Dans notre procédé, le CO2 va se substituer à l’eau liée présente dans le bois, et ainsi remplacer cette molécule d’eau. Ainsi, nous savons aller jusqu’à 0 % d’humidité.

C’est une action qui est non réversible, à moins de rechauffer le bois pour casser à nouveau cette liaison moléculaire et relibérer le CO2.

En substituant l’eau liée par du CO2 on rend le matériau bois inerte : il devient insensible au développement d’organismes xylophages comme les champignons ou les insectes. Les déformations sont limitées et la durabilité du bois est améliorée sans traitement chimique. Cela facilite aussi son utilisation en combinaison avec d’autres matériaux.

Grâce à cette innovation, il est possible d’imaginer des applications étendues ou nouvelles du bois dans la construction, l’ameublement, la palette et bien d’autres encore.

L’autre objectif majeur de cette innovation est de capter le CO2 émis par les industries voisines qui n’ont pas aujourd’hui de filière de recyclage de leur CO2 et qui le rejettent à l’atmosphère. Les cimenteries en font partie, comme les aciéries et toutes les industries dont les fumées contiennent en moyenne 20 % de CO2.

Ces industries travaillent déjà sur des procédés de récupération et de nettoyage du CO2 mais n’ont pas encore vraiment de débouchés.

« Nous sommes une opportunité pour
ces industries émettrices de CO2. »

Pour utiliser ces rejets, nous allons devoir confirmer le degré de pureté du CO2 nécessaire dans notre procédé.

Notre dispositif est donc un vrai puits de carbone, c’est un aspect environnemental très important du projet. Plus il y aura de scieries utilisant ce système pour maîtriser leur séchage, plus elles contribueront à la réduction des émissions de CO2.

Enfin à terme, WAYS permettra de limiter le transport de bois entre les continents, puisque l’on pourra utiliser localement des bois peu utilisés pour l’instant.
A ce jour, chaque essence est utilisée pour une ou des applications bien particulières en raison de ses propriétés physiques / mécaniques. Grâce à notre procédé et à l’injection de CO2, nous facilitons le séchage et nous améliorons ces propriétés sur toutes les essences de bois. Nous permettons ainsi aux essences les moins nobles d’accéder à des applications pour lesquelles elles ne sont pas encore utilisées aujourd’hui.

A quel stade du projet en êtes-vous ?

Nous sommes en train de réaliser une première levée de fonds qui nous permettra de développer notre prototype préindustriel et démontrer qu’il est possible de sécher du bois à grande échelle, grâce à notre innovation.

Cela a déjà été fait à petite échelle en laboratoire, sur 4 essences africaines (très denses donc difficiles à sécher) et une européenne, le peuplier très difficile à sécher car il contient beaucoup d’eau et donc très sensible aux déformations et au retrait.

Ce prototype de laboratoire a mis en avant trois points :

il est possible de sécher le bois jusqu’à 0 % d’humidité sans l’abîmer

il est possible de sécher le bois en 72 h sur certaines essences

il n’y a pas de reprise d’humidité, ni de déformation dans le temps des objets créés avec du bois séché grâce à notre procédé (instruments de musique, tables, chaises,…)

« L’objectif est de valider tout le bilan énergétique du procédé »

Nous prévoyons notamment de recycler la chaleur pendant le cycle de séchage et envisageons de combiner des sources d’énergies renouvelables aux sources d’énergies classiques.

Il y a aussi un nouvel associé arrivé récemment dans l’entreprise avec un projet d’activité de conception, fabrication et commercialisation de séchoirs plus traditionnels.

Nous avons donc créé une filiale au sein de WAYS : WAYS Industrie. Cette activité, plus classique, est de nature à rassurer les investisseurs car elle donne une dimension commerciale et industrielle à l’entreprise.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Généralement l’innovation reçoit un bon accueil, voire un très bon accueil.
C’est un projet qui parle et qui est dans l’air du temps sur des sujets de matériaux renouvelables et captage de CO2

Parmi les nombreux experts que nous avons rencontrés : forestiers, scieurs, transformateurs, industriels, constructeurs, chimistes,…

« Personne ne nous a dit que ce n’était pas réaliste. »

Nous sommes convaincus par les nombreux impacts positifs de notre projet et c’est ce qui nous fait avancer tous les jours.

On nous a seulement signalé que ce n’était peut-être pas pertinent d’aller jusqu’à 0 % d’humidité. En effet actuellement le 0 % n’est pas pertinent parce qu’on ne sait tout simplement pas faire et que l’on a adapté les normes de séchage en fonction de ce que l’on pouvait faire au meilleur rapport qualité – prix.

Les scieurs nous expliquent également que l’on optimise toujours la matière : une grume va être exploitée à son maximum en la valorisant à 100 %. Plus on se rapproche du cœur, plus le matériau est noble et plus le séchage sera pertinent, car son coût sera plus facilement absorbé par le prix de vente.

Nous voulons aussi faire des tests de coupe sur bois après séchage. Aujourd’hui on coupe, et ensuite on sèche pour ne sécher que ce qui a besoin de l’être d’après les normes actuelles. Ce faisant, on coupe toujours à des dimensions supérieures aux dimensions finales souhaitées, car le bois se rétracte lors du séchage et la coupe est plus facile avec du bois humide, car il est moins dense et l’eau qu’il contient fait office de lubrifiant pour les lames de scie.

Avec notre procédé, nous maintenons les dimensions (donc nous optimisons encore plus le rendement matière) et nous pensons que la coupe ne sera pas plus difficile après séchage car on ne change pas la densité. C’est une autre catégorie d’essais que nous souhaitons mener avec notre prototype.

Enfin, d’un point de vue technique nous n’avons pas rencontré de difficultés particulières.

L’expérience du prototype de laboratoire nous a permis d’améliorer notre système, de corriger les petits défauts de conception initiaux et de déposer notre brevet.

Comment se passe la recherche de financement ?

Nous nous faisons accompagner par une société spécialisée dans les stratégies de financement de start-up : BOOST 33.

Nous sommes en contact avec 3 investisseurs potentiels : un pétrolier, un promoteur immobilier et un acteur majeur du bois, tous français et qui sont intéressées à la fois par la technique de séchage et ses atouts pour les filières bois et construction ainsi que par les aspects captage de CO2.

Nous sommes aussi allés voir les réseaux de Business Angels. Au début, je ne ciblais pas et je me suis vite rendu compte que chaque réseau avait ses spécificités. Maintenant je suis en discussion avec deux réseaux pour lesquels notre projet est pertinent.

Nous faisons aussi partie des projets en lice pour le grand défi Time for the Planet. Notre dossier est en cours d’instruction.

Nous avons candidaté au concours innovation i-Nov de la 7ème vague du PIA de l’ADEME. Nous passons devant la commission d’évaluation fin juin pour une aide versée mi-août.

En parallèle nous sommes en passe d’être labellisés par notre pôle de compétitivité, XYLOFUTUR, qui nous accompagne dans le développement de ce beau projet. C’est la combinaison de tous ces axes qui nous permettra de lever globalement les fonds dont nous avons besoin pour cette première phase de prototype préindustriel.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire ? (sur le projet, sur votre méthode de travail, votre organisation…)

Même si depuis 2 ans je me consacre intensément à ce beau projet, il est indéniable que la crise sanitaire en a ralenti sa progression.

La découverte de la filière bois, de ses acteurs, de ses problématiques, de ses visions, de ses contradictions… nécessite d’aller sur le terrain pour rencontrer les hommes et les femmes

Les contraintes de confinement s’ajoutant au stress économique, il n’a pas toujours été facile de trouver des créneaux et cela a donc constitué pour moi une barrière additionnelle, mais on y arrive !

Comment arrivez-vous à maintenir un équilibre pro/perso ?

Avec les confinements successifs, le télétravail s’est considérablement développé.

Par conséquent la maison se transforme et les postes de travail s’y développent de plus en plus. On se retrouve régulièrement à 2, 3 ou 4 à travailler à la maison, chacun avec son rythme, tant et si bien qu’on recrée à la maison une ambiance de bureau. Finalement, on arrive assez bien à équilibrer le pro et le perso.

Qu’avez-vous mis en place pour communiquer ? Est-ce que cela fonctionne bien ?

Jusqu’à ce que le brevet soit publié en juin 2020 nous avons été plutôt frileux sur la communication.

« Après la publication du brevet
nous avons commencé à sortir du bois »

Nous avons beaucoup travaillé sur des présentations PowerPoint assez ciblées :

une présentation pour l’elevator pitch,

une autre pour un pitch de 15 minutes

et enfin une présentation plus complète.

Ce sont des outils qui ont beaucoup évolué mais qui sont maintenant stabilisés. J’ai mis en place le site internet avec Wix. Mais ce n’est pas mon métier… 

site ways

Il y a aussi une page LinkedIn que je fais peu vivre : je l’utilise pour relayer un article de temps en temps, mais cela reste assez passif.

Nous avons prévu de travailler ces aspects communication avec l’arrivée de deux stagiaires. Le premier, qui est arrivé début avril, travaille sur la refonte des sites web de WAYS et WAYS INDUSTRIE (revente de séchoirs traditionnels).

L’objectif du site WAYS INDUSTRIE est de générer des leads et de faciliter la vente des séchoirs traditionnels.

Pour le site WAYS, l’objectif est de communiquer largement sur l’innovation et à terme être prêt pour la commercialisation de ces séchoirs innovants.

Le second stagiaire arrive fin mai et travaille sur les aspects commerciaux et marketing avec la réalisation, entre autres, d’études de marché ou encore la réalisation de benchmark avec des solutions concurrentes…

Si dans un an, vous aviez toute la réussite attendue, à quoi cela ressemblerait-il ?

J’aimerais que le prototype ait confirmé toutes nos hypothèses, notamment sur la partie énergétique et remplisse toutes les promesses que cette technologie nous laisse espérer pour la filière bois, pour le développement durable et pour contribuer à la réduction des émissions de CO2.

J’aimerais aussi avoir réalisé une première vente de séchoir au CO2 !

Que diriez-vous/quel conseil à quelqu’un qui a envie de monter un projet dans la filière forêt-bois ?

J’ai pu rencontrer assez facilement des personnes qui avaient des bonnes connaissances de la filière : des présidents de fédérations, des scieurs, des forestiers…

Je me suis rendu compte que c’est un milieu avec beaucoup de contradictions et des points de vue assez arrêtés et qui parfois s’opposent. Pour se faire une idée lorsque l’on est novice, ce n’est pas simple, cela peut même être déroutant.

Je lui dirai donc qu’il faut s’attendre à de bons contrastes mais que c’est un univers passionnant fait de gens passionnés !  

L’ histoire de Sébastien vous a plu et vous souhaitez rentrer en contact avec lui ?
Retrouvez ses coordonnées sur son profil LinkedIn

ou aussi aller faire un tour sur le site de WAYS