PORTRAIT N°5 : BRUNO CLAIR

 #monprojetpourlafilierebois

Ces dernières semaines, je suis partie à la rencontre d’hommes et de femmes engagés et investis professionnellement au sein du secteur forêt-bois, dans des projets tous différents tant sur le format, le statut juridique que leurs objectifs… mais partageant aussi une même ambition : celle d’apporter des solutions concrètes à une problématique identifiée de la filière. Les prochains articles de ce blog seront donc consacrés à ces échanges. Partons ensemble à la découverte de ces nombreuses initiatives et des personnes qui les portent. Nous découvrirons par quelles étapes ils et elles sont passés, leurs difficultés, leur succès, leurs conseils, etc…

Bruno Clair – Master Sciences du bois

Bruno clair

Bruno Clair est directeur de recherche au CNRS, affecté au LMGC (Laboratoire de Mécanique et de Génie Civil), il effectue ses recherches en biomécanique de l’arbre et en sciences du bois. Avec Sandrine Bardet, ils travaillent depuis maintenant presque 2 ans à la création du Master Sciences du Bois qui accueillera sa première promotion d’étudiants en septembre 2021 à l’université de Montpellier.

Pouvez-vous me présenter votre entreprise, sa raison d’être, et en quoi elle apporte une réponse concrète à une des problématiques de la filière forêt-bois ?

La création de ce Master en Science du Bois émane d’une double demande :

Premièrement, d’une réflexion issue du groupe de chercheurs et d’enseignants-chercheurs du site montpelliérain dont je fais partie, constatant une évolution importante ces dernières années de la prise en compte des aspects environnementaux dans de nombreux domaines. Nous nous sommes demandés comment accompagner les jeunes dans ce changement, comment faire bouger l’offre de formation et réussir à proposer une formation à la hauteur des attentes environnementales actuelles ?

La seconde motivation à créer cette formation émane du Groupement de Recherche (GDR) Sciences du Bois qui se réunit chaque année. Dans le groupe de travail formation, nous faisions le bilan qu’il y avait un besoin de développer des formations bac + 5, car nous manquons de personnes formées avec des compétences interdisciplinaires centrées sur le bois.

D’où cette initiative de créer une formation résolument interdisciplinaire dans laquelle le matériau complexe qu’est le bois y sera abordé depuis sa formation dans l’arbre jusque dans ses usages en matériau ou molécules, mettant en œuvre des compétences en biologie, écologie, chimie, physique, mécanique, génie civil et génie des procédés.

schéma compétence

Le programme de la formation à bac +5 se décline autour de 11 thématiques

A quel stade du projet en êtes-vous ?

Le projet a bien avancé.

Une première phase a été nécessaire : il a fallu réunir les acteurs pour évaluer la possibilité de créer cette formation et recenser l’ensemble des compétences nécessaires et dont nous disposions. Aujourd’hui il y a une centaine de collègues du site montpelliérain dont 40 impliqués dans l’équipe pédagogique avec des spécialités comme la foresterie, la chimie, la construction pour refléter toute l’interdisciplinarité de la formation.

La seconde étape a été d’avoir les accords de l’université pour monter la formation. Cela n’a pas été forcément très simple, en raison notamment de contraintes financières. Mais nous avons eu la chance d’être soutenus dès le début par l’i-site Muse, Le Cirad, le CNRS et des écoles d’ingénieurs. Cela nous a permis, entre autres, d’embaucher une ingénieure pédagogique.

Aujourd’hui l’équipe pédagogique est en place, nous avons des locaux (même s’ils sont temporaires) et le contenu pédagogique de la formation est finalisé.

Nous sommes prêts pour la rentrée de septembre 2021. D’ailleurs les candidatures ont été ouvertes jusqu’au 6 juin. Le 7 mai (date de l’interview), nous en avions déjà reçu 90.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

La première difficulté que je rencontre, c’est que malheureusement les journées n’ont que 24h !

Il faut dire qu’il y a eu un énorme emballement autour du projet… En réalité, c’est un projet qui dépasse même le contour du master, car au-delà de la création de la formation, il est en train de se créer une dynamique sur le site montpelliérain impliquant de nombreux acteurs enthousiastes sur le sujet.

C’est très enrichissant et stimulant mais cela prend beaucoup de temps de rencontrer tout ce monde, et de les rassembler. Par exemple, ce matin j’ai rencontré les Communes Forestières qui sont très intéressées par le Master.

Puis comme nous souhaitons vraiment être tournés vers l’entreprise et la filière forêt-bois, nous rencontrons aussi beaucoup d’acteurs du monde privé. C’est en train de devenir un très beau consortium !

Mais il faut arriver à tout gérer de front ! Pour cela, il faut réussir à s’entourer. Nous avons recruté une très chouette ingénieure pédagogique et nous avons trouvé des personnes ressources sur chaque domaine.

Le projet prenant de l’ampleur, il a fallu aussi s’entourer d’aide, notamment sur les aspects communication, avec ton soutien.

Une autre des difficultés que j’ai rencontrées, c’est peut-être celle d’être capable de déléguer. L’équipe a en tête des idées assez précises et des valeurs initiales fortes pour ce master et au début nous avions du mal à passer la main, mais avec le temps on y arrive.

A contrario, quelles étapes ont été les plus faciles ?

Nous n’avions pas réalisé à quel point Montpellier rassemble autant de forces en sciences du bois.

Avec ce projet, j’ai découvert des acteurs dans le domaine qui m’étaient encore jusqu’à présent inconnus. Nous sommes aujourd’hui entre 80 et 90 chercheurs et enseignants-chercheurs, qui se retrouvent dans les mots clé “science du bois”.

Les profils sont assez variés puisque l’on peut trouver des spécialistes de la paléobotanique, des économistes, des architectes, des spécialistes de la biologie et de la génétique, de l’écologie forestière… C’est extrêmement diversifiés mais c’est là toute la richesse de la formation !

Le Master Science du Bois est adossé par 12 laboratoires de recherche.

Nous avons aussi eu beaucoup de plaisir à voir que notre projet était suivi et soutenu par les interpros bois (FIBois Occitanie et Sud), l’ONF, le CNPF…

« Nous n’avions pas réalisé à quel point Montpellier rassemble autant de forces en sciences du bois »

Comment s’est passée la période de recherche de financement ?

Les premiers financements grâce à Muse, ont été réalisés via des appels à projet. C’est un format dont nous avons assez l’habitude.

Par la suite, nous avons souhaité obtenir la reconnaissance du monde socio-économique.

Notre premier soutien financier du secteur privé émane de la fondation Alpes Contrôle. Cela a été très important pour nous car ce soutien témoigne de la crédibilité du projet et nous rassure sur le fait que le master intéresse le secteur privé. Nous avons aussi récemment reçu un financement de la fondation Agropolis.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire ? (sur le projet, sur votre méthode de travail, votre organisation…)

C’est sûr que l’année dernière, avec le premier confinement et les réorganisations des vies professionnelles et familiales, quelques semaines de travail ont été perdues ou moins efficaces…

Pour les enseignants-chercheurs, la crise sanitaire a engendré un surcoût de travail énorme car ils ont dû repenser toute leur offre de formation pour qu’elle soit accessible au plus grand nombre. Je ne suis pas enseignant, donc je n’ai pas eu cette contrainte. (ndlr : Sandrine Bardet, co-fondatrice du master est enseignante chercheuse à l’UM).

Pour les aspects organisationnels, entre le présentiel et le télétravail, nous y arrivons plutôt bien. Le télétravail a cet avantage de faciliter les rencontres, même si elles sont virtuelles, car il évite les déplacements. Cela ne remplacera toutefois pas le “travail ensemble”.

Un de mes regrets, c’est que l’ensemble de l’équipe pédagogique composée de 40 personnes et toute les personnes qui gravitent autour du master (soit environ 200!) ne se sont, à ce jour, jamais rencontrées.

Nous avançons tout de même sur nos sujets, mais c’est dommage car dans les réunions physiques il y a toute une partie de “off” qui est très importante. Il me tarde de pouvoir réunir tous ces gens autour d’un café, voire plus !

Concernant la rentrée 2021 : il faut de l’optimisme !

Nous construisons le master en envisageant une rentrée à 100 % physique, pour maintenir l’enthousiasme. Nous avons bien en tête qu’il est possible que nos étudiants aient à suivre des cours en distanciel, mais cela n’affectera pas toute l’année. Et puis les nouvelles techniques d’enseignement à distance sont aujourd’hui mieux connues et maîtrisées. Si les cours en présentiel ne peuvent pas avoir lieu, ce sera plus facile que lors du premier confinement.

Néanmoins l’enseignement du master est entre autres basé sur la convivialité, la synergie du travail en équipe, et le mélange de profils différents. C’est d’ailleurs une des richesses du master. A distance il faudra être inventif pour que cela soit le cas !

 « Concernant la rentrée 2021 :
il faut de l’optimisme ! »

Comment arrivez-vous à maintenir un équilibre pro/perso ?

C’est en effet un choix fort. J’ai quatre enfants et j’essaie de privilégier le temps de la fin de journée qui est un temps important en famille…mais je travaille de plus en plus le soir lorsqu’ils sont couchés.

L’avantage avec la crise sanitaire, c’est qu’il n’y a plus de déplacements, pour les missions de recherches par exemple, donc je suis plus souvent à la maison.

Qu’avez-vous mis en place pour communiquer ? Est-ce que cela fonctionne bien ?

Nous avions deux enjeux de communication.

Le premier était d’être connu auprès des étudiants. Nous avions la capacité de communiquer auprès des étudiants de L3 de l’université de Montpellier. Mais nous souhaitions être visibles à l’échelle nationale.

Notre deuxième enjeu était de se faire connaître et d’être identifié par le secteur économique et social comme un acteur naissant sur le site montpelliérain.

Nous avions identifié ce besoin de communication dès le début, et c’est le financement de Muse qui nous a permis, entre autres, de créer une identité visuelle au master et de mettre en place une communication via les réseaux sociaux, notre site web et un communiqué de presse. De manière générale, on essaie de communiquer dès que l’on voit une opportunité.

Par exemple, récemment nous sommes passés sur France Inter après les avoir simplement contactés par mail !

En parallèle de ces aspects communication, nous avions la volonté de proposer une offre de formation qui répond aux besoins des entreprises de la filière. C’est pourquoi, avec l’ingénieur pédagogique de l’époque, nous avons réalisé une enquête que nous avons diffusée auprès des entreprises. C’est d’ailleurs à ce moment que tu as commencé à nous accompagner sur ces aspects communication, et ton lien avec la filière a été un vrai atout !

Linkedin Master

Exemple de publication du compte Linkedin du Master Sciences du Bois

Si dans un an, vous aviez toute la réussite attendue, à quoi cela ressemblerait-il ?

Nous sommes hébergés à titre temporaire par l’université de Montpellier : nous allons devoir trouver des locaux définitifs (à louer, acheter, construire ?).

Dans un an, j’aimerai avoir trouvé ces locaux !

Mais nous nous interrogeons sur l’ambition souhaitée autour de ces bâtiments. Faut-il penser ces locaux plus largement, comme un possible lieu de réunion des acteurs académiques qui se sentent concernés par les sciences du bois, avec des équipements communs ? Ou encore voir plus large et proposer un lieu ouvert au monde socio-économique, un lieu de rencontre et d’échanges ?

Que diriez-vous/quel conseil à quelqu’un qui a envie de monter un projet dans la filière forêt-bois ?

Je lui dirai Quand on veut on peut !”.

Toutes les personnes à qui on a parlé du projet étaient enthousiastes. La filière forêt bois a le vent en poupe. Il y a une vraie prise de conscience pour développer les usages des matériaux biosourcés, dans le cadre d’une gestion durable des écosystèmes forestiers et tout en ayant conscience des services que fournit la forêt. L’état d’esprit global est favorable pour la filière.

Pour monter un tel projet, il faut y mettre de l’énergie, bien sûr, mais quel bonheur de voir l’enthousiasme que ça génère pour la filière !

« Quel bonheur de voir l’enthousiasme
que ça génère pour la filière ! »

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